Description
Au sommaire du numéro 65 de Nouvelle Ecole
• Attraction, sympathie et « doux commerce » dans la pensée des Lumières (Éric Maulin)
• Les Lumières contre la guerre civile (Marc Muller)
• L’historiographie des guerres de Vendée (Jean-Joël Brégeon)
• L’héritage intellectuel de la Contre-Révolution (Pierre de Meuse)
• Rousseau contre les Lumières (Alain de Benoist)
• La doctrine kantienne de la peine de mort (Francis Moury)
• Max Stirner, critique de la religion et des Lumières (Tanguy L’Aminot)
Et aussi
• Versailles, la grande synthèse de la culture occidentale (Yves Branca)
• Homère dans la Baltique (Felice Vinci)
• Les royaumes thraces – au-delà des légendes (Valeria Fol)
• Deux livres d’Alexander Jacob (Jean Haudry)
Depuis maintenant plus de deux siècles, la Révolution française n’a cessé de mobiliser des passions contraires (approbation inconditionnelle ou rejet sans nuances), mais également peu fécondes : bibliothèque rose ou série noire. (…) En dépit de l’historiographie traditionnelle, la Révolution ne se résume pas à l’effondrement des valeurs d’Ancien Régime ou à la suppression des «corps» traditionnels. Comme l’ont bien montré Tocqueville, Taine et Renan, la centralisation révolutionnaire n’a fait qu’accentuer et systématiser la constante volonté de la monarchie administrée de réduire, dans les «pays d’élection» comme dans les «pays d’état», les autonomies locales pour se donner davantage de ressources et de forces. Après 1789, les prérogatives attribuées auparavant au roi ne sont pas supprimées, mais transférées à la nation. Gobineau est allé jusqu’à dire que la Révolution « a seulement développé tout ce qui se faisait avant elle, elle a été l’un des fruits de l’arbre planté par les rois ». Elle a achevé l’État que les rois avaient commencé à bâtir. (…)
La cause principale de la Révolution fut l’Ancien Régime, en l’occurrence une monarchie absolue devenue insupportable depuis au moins 1750, puis tombée entre les mains d’un souverain dépourvu de sens politique. Les Lumières et les sociétés de pensée n’eurent qu’à labourer un terreau déjà préparé. (…)
La Révolution ne se réduit pas non plus à un seul courant de pensée. On y constate au contraire au moins trois grandes influences, et qui ne s’accordent pas spontanément entre elles : celle des Lumières (le progrès, l’économie), celle de Rousseau (le peuple, la volonté générale) et celle de l’Antiquité (le héros, la « vertu »). La pensée des Lumières, associée à l’idéologie du progrès et à son rejet des « superstitions », est l’héritière du rationalisme de Descartes. Elle a conduit à l’instauration d’un régime parlementaire représentatif plus que d’une démocratie, tandis que la pensée de Rousseau a inspiré le nationalisme jacobin. La raison des Lumières, comme outil permettant à la pensée de se dégager de l’emprise de la nature sensible sans pour autant céder à la force du mythe, était en fait une forme de réflexion propre à la modernité capitaliste. Les promesses qu’elle inspirait n’ont pas été tenues : on n’a pas forcément raison quand on parle au nom de la raison. (…)
Au-delà de l’opposition artificielle entre le «moment 1789» et le « moment 1793 », la Révolution française fut, tout comme la révolution américaine, à la fois une révolution idéologique et un extraordinaire condensé d’événements qui n’ont cessé de produire leurs effets par la suite. Sa nouveauté est à rechercher dans la restructuration volontaire de l’espace et du temps, dans la fête révolutionnaire par exemple, avec son transfert de sacralité (l’unanimisme de la Fête de la Fédération de 1790), dans le regain d’importance donnée à la notion de citoyenneté, dans la relative promotion du peuple. La patrie n’étant plus tant la terre des pères que la communauté politique des citoyens, c’est de la Révolution que nous avons hérité la notion politique de nation. Ce n’est pas à rejeter.
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