Le magazine des idées
Vive la différence !

Vive la différence !

Peut-on « fabriquer » une fille en élevant un enfant « neutre » comme une fille, ou un garçon en l’élevant comme un garçon ? L’être humain est-il « neutre » en matière de sexe ? Pour y répondre, un détour par la biologie, la neurobiologie et la psychologie évolutionnaire s’impose.

Pour l’idéologie du genre, on est un être humain avant d’être un homme ou une femme. Cette vision négationniste de la réalité de la différence sexuelle, qui s’apparente à toutes les doctrines selon lesquelles on est un être humain avant d’appartenir à un peuple, une culture ou une entité collective quelle qu’elle soit, s’appuie sur l’idée fausse d’une « neutralité » initiale de l’être humain en matière de sexe. Pour Judith Butler, par exemple, le corps est originellement une « matière neutre » – à la façon dont les théoriciens des Lumières faisaient de l’esprit humain une tabula rasa, une cire vierge à la naissance. Teresa de Mauretis écrit elle aussi que « l’enfant est neutre du point de vue du genre »1. On pourrait donc « construire » ou fabriquer une fille en élevant cet enfant « neutre » comme une fille, ou un garçon en l’élevant comme un garçon. Le corps sexué ne serait pas un donné déjà là dès le début de l’existence. C’est en ce sens qu’hommes et femmes seraient dépourvus de « nature ».


Le rôle des hormones sexuelles

Cette croyance selon laquelle on ne naît pas femme ou homme est une contre-vérité manifeste. Le sexe (XX ou XY) se décide en réalité dès la fécondation de l’ovocyte par le spermatozoïde, soit avant même l’apparition morphologique des organes génitaux. C’est un fragment du chromosome Y, connu sous le nom de « SRY » (sex-determining region of the Y chromosome), montrant une séquence codante de 204 acides aminés, qui détermine définitivement le sexe entre la sixième et la huitième semaine de grossesse par l’intermédiaire du gène TDF (facteur de détermination testiculaire). Dès leur formation, les testicules commencent à sécréter de la testostérone, hormone qui active l’expression des caractères masculins au fur et à mesure du développement du fœtus. Les organes génitaux sont achevés après quinze semaines de développement embryonnaire. « L’apparition des premières cellules germinales, écrit Jean-Albert Meynard, la différenciation des glandes sexuelles, le développement des organes cibles se font sous la férule bienveillante des chromosomes sexuels. Le poids des gènes est omniprésent »2. Le rôle des hormones sexuelles se poursuit toute la vie durant.
La testostérone est en rapport direct avec la conformation, non seulement des organes sexuels, mais des traits du visage et du corps. Les premières poussées de testostérone déclenchent des comportements caractéristiques des mâles. Il existe un lien entre la quantité de testostérone prénatale que l’on a reçue et le rapport de longueur entre le deuxième et le quatrième doigt de la main : chez les hommes, l’index tend à être d’autant plus court par rapport à l’annulaire qu’ils ont subi une plus forte imprégnation de testostérone prénatale, alors que chez les femmes les deux doigts sont généralement de la même longueur. Cette plus grande symétrie s’observe aussi chez les hommes homosexuels. Le rapport index-annulaire s’observe déjà au stade fœtal, et constitue un prédicteur de la plus ou moins grande masculinité des traits du visage (mâchoire plus marquée, yeux plus petits, front moins large) avant la puberté comme à l’âge adulte.
Les garçons se développent plus vite que les filles dès le début de la grossesse. Les spécialistes de la fécondation in vitro peuvent même souvent deviner si l’embryon sera mâle ou femelle en se basant sur le nombre de divisions cellulaires intervenues quelques heures après la fécondation. À la naissance, les garçons pèsent en général plus lourd que les filles, ce qui rend l’accouchement un peu plus difficile. Grâce aux échographies, on sait que le fœtus mâle a des érections, et que les organes génitaux des nouveaux-nés ont d’emblée une activité minimale, ce qui montre que la mécanique du plaisir sexuel est déjà en place chez les nourrissons. Après la naissance, le corps des garçons grandit plus vite, mais celui des filles mûrit plus tôt (l’entrée en puberté est en moyenne de deux à trois ans plus précoce). La conscience d’identité sexuelle émerge dès l’âge de deux ans ou deux ans et demi. La tendance des garçons et des filles à jouer de préférence avec des petits camarades du même sexe qu’eux est également acquise très tôt, l’intérêt pour l’autre sexe (distinct de la simple curiosité exploratrice) ne commençant vraiment qu’à la puberté.


Un bebé fille répond aux pleurs, pas un bébé garçon

L’humanité unisexe est donc un non-sens par définition. On n’appartient à l’espèce humaine qu’en tant qu’homme ou que femme, et cette différence est acquise dès les premiers instants de la vie. S’attaquer à la distinction des sexes, c’est à cet égard s’attaquer à la différence fondatrice de l’humanité. Claude Lévi-Strauss disait lui-même qu’il n’y a pas de degré zéro de la différence sexuelle. « On n’est pas humain avant d’être homme ou femme », écrit aussi Michel Schneider, qui ajoute : « La différence des sexes est la différence des différences. Elle fonde les autres et son déclin accompagne une désymbolisation généralisée »3.
Rousseau, qu’on a souvent accusé de mysogynie, écrit dans l’Émile : « En tout ce qui ne tient pas au sexe, la femme est homme : elle a les mêmes organes, les mêmes besoins, les mêmes facultés […] En tout ce qui tient au sexe, la femme et l’homme ont partout des rapports et partout des différences : la difficulté de les comparer vient de celle de déterminer dans la constitution de l’un et de l’autre ce qui est du sexe et ce qui n’en est pas »4. C’est précisément à pallier cette « difficulté » que des centaines d’enquêtes scientifiques et de travaux empiriques ont été consacrées ces dernières années. Les résultats, qui ont parfois été utilisés pour remettre en question le bien-fondé de la mixité scolaire, ne laissent aucun doute sur l’ontogenèse des différences entre masculin et féminin, qu’il s’agisse du développement sensori-moteur, de la psychologie cognitive ou des comportements. Croire que la différence de sexe biologique ne concerne que la sphère génitale est donc une autre erreur majeure de l’idéologie du genre. Les caractéristiques sexuelles affectent en réalité la manière dont les individus se comportent et perçoivent le monde. Loin de n’être qu’une affaire de verge ou de vagin, de testicules ou d’utérus, être un homme ou une femme affecte presque tous les domaines de la vie. Le corps et l’esprit, de ce point de vue ne font qu’un. « L’esprit est sexué, comme le corps, aussi sexué que le corps », et « dans l’immense majorité des cas, le sexe de l’esprit est le même que celui du corps », précise le neuro-psychiatre Jean-Paul Mialet5. « Oui, garçons et filles sont différents, reconnaît de son côté Lise Eliot, spécialiste de neurosciences à l’Université Rosalind Franklin de Chicago. Ils ont des centres d’intérêt différents, des niveaux d’activité différents, des seuils sensoriels différents, des forces physiques différentes, des réactions émotionnelles différentes, des capacités de concentration différentes et des aptitudes intellectuelles différentes »6.
Dès les premiers jours de la vie, alors qu’aucune influence de milieu ne s’est exercée sur eux, les garçons regardent davantage les mobiles mécaniques ou les objets en mouvement, tandis que les filles recherchent surtout le contact visuel avec des visages humains7. À peine âgé de quelques heures, un bebé fille répond aux pleurs d’un autre bébé, alors qu’un bébé garçon n’y prête aucune attention8. Le potentiel d’échanges visuels en vue d’une communication augmente durant les trois premiers mois de la vie de 400 % chez les filles, de moins de 20 % chez les garçons, qui se montrent en revanche régulièrement plus agités et plus moteurs. À tous les âges et stades du développement, les filles se montrent plus sensibles que les garçons à leurs états émotionnels et à ceux d’autrui (le sexe s’avérant ainsi un excellent prédicteur de l’empathie). Dès le bas âge, les garçons recourent à des stratégies physiques là où les filles recourent à des stratégies verbales. Les filles sont plus volubiles, les garçons plus agressifs. En matière d’agressivité, la différence entre les sexes apparaît dès l’âge de deux ans99.


Le cerveau n’est pas unisexe

L’expérience a été tentée d’innombrables fois : on peut bien, dès la naissance, s’efforcer de combattre tous les « stéréotypes », habiller les garçons avec des jupes et donner aux filles des voitures de pompiers, les invariants anthropologiques reprennent rapidement le dessus. Quand on les contredit, les petites filles pleurent, les petits garçons donnent des coups de pied. Les petits garçons se battent, les petites filles discutent. Dès la petite enfance, dans toutes les cultures du monde, les filles préfèrent les poupées, les ustensiles de cuisine ou les trousses de maquillage, tandis que les garçons préfèrent les voitures et les ballons. Il est remarquable que ces préférences ont aussi été constatées chez les grands singes. Plus tard, à tous les stades de leur vie, les femmes préfèrent travailler avec des personnes vivantes, tandis que les hommes préfèrent travailler avec et sur des objets. Susan Pinker signale diverses études montrant que « les femmes, en général, considèrent les aspects sociaux du travail plus importants que les hommes, tandis que ces derniers sont davantage attirés par le salaire et les possibilités de promotion »10.
Le cerveau lui-même est sexué, comme le montrent quantité de travaux réalisés ces dernières années qui, grâce notamment à l’imagerie cérébrale fonctionnelle par résonance magnétique (fMRI), ont définitivement montré comment l’imprégnation hormonale des embryons et des fœtus exerce un effet spécifique sur l’organisation des circuits neuronaux du cerveau, avec pour conséquence qu’il existe un cerveau masculin et un cerveau féminin, qui se différencient par divers marqueurs anatomiques, physiologiques et biochimiques11. « Le cerveau n’est pas unisexe, écrit encore le psychiatre Jean-Albert Meynard. Le poids de nos gènes, la force des hormones qui en découlent nous font naître homme ou femme. Nos cerveaux dès leur formation se spécialisent. Dès la naissance, les petits garçons ne posent pas sur le monde le même regard que les petites filles. Leurs grilles de lecture sont dissemblables […] A deux mois de vie in utero, un encéphale sexuel est né »12.
Le cerveau masculin est en moyenne de 8 à 11 % plus volumineux que le cerveau féminin et il achève sa croissance un ou deux ans plus tard, ce qui correspond au fait que la puberté commence plus tôt chez les filles. Le splénium, à l’arrière du cerveau, est plus bulbeux chez les femmes, plus tubulaire chez les hommes. Le corps calleux est également sexué : le transfert des informations y varie chez les femmes en fonction des phases de leur cycle menstruel. L’imagerie neuronale par résonance magnétique montre que les hommes et les femmes utilisent ou activent, pour réaliser les mêmes tâches, des zones différentes de leur cerveau. Les hommes utilisent leur matière grise (qui contrôle le traitement de l’information) 6,5 fois plus que les femmes, tandis que les femmes utilisent leur matière blanche (qui contrôle l’utilisation du langage et les connexions entre les différents centres du cerveau) 10 fois plus que les hommes. Chez les femmes, 84 % de la matière grise et 86 % de la matière blanche sont situés dans les lobes frontaux du cerveau, alors que ces taux chutent respectivement à 45 % et 0 % chez les hommes. C’est la raison pour laquelle les lésions des lobes frontaux entraînent chez les femmes un plus grand nombre de séquelles.
Le langage est traité dans le cerveau par l’hémisphère gauche, au même titre que la déduction, le calcul, la pensée analytique, le classement séquentiel ou la conscience du temps. L’hémisphère droit, lui, est associé à la pensée holistique, à la vision et à la perception de l’espace, à l’inventivité et à la prospective. Selon certains auteurs, les femmes ont tendance à plus utiliser leurs deux hémisphères, alors que les hommes utiliseraient surtout le gauche. Moins unilatéralisées que les hommes, elles utiliseraient leurs dispositions neuronales naturelles pour parvenir à de plus fréquentes connexions interhémisphériques.


Les chiffres qui expliquent les différences sexuelles

La différence la plus fiable entre les sexes est celle de la fluidité verbale. Les recherches faites sur les jumeaux montrent que cette fluidité est héritable à environ 40 %. Les femmes dépassent régulièrement les hommes dans les tests de capacité verbale, tandis que les hommes dépassent régulièrement les femmes pour les tests faisant appel aux capacités visuo-spatiales. Cette différence se manifeste très tôt. À 18 mois, les filles possèdent en moyenne déjà 90 mots de vocabulaire, contre 40 chez les garçons. Les garçons surpassent les filles dans les exercices de rotation mentale dès l’âge de quatre ans. Les filles commencent à les surpasser au même âge pour ce qui est de la fluidité verbale. C’est aussi surtout par des mots qu’elles expriment leur agressivité.
De nombreux travaux montrent que les hommes sont plus habiles pour identifier des objets dans une orientation altérée, imaginent plus facilement les opérations de rotation d’un objet tridimensionnel dans l’espace, ou se font une meilleure représentation mentale d’une route à suivre, tandis que les femmes, qui saisissent mieux les signes sociaux qu’elles ne maîtrisent les systèmes spatiaux, sont plus adroites dans le rappel du rangement spatial de séries d’objets ou dans la mémorisation des mots13. En 2008, l’aptitude supérieure des hommes à procéder mentalement à des opérations de rotation d’un objet tridimensionnel dans l’espace a été mise en rapport avec la plus grande surface des lobes pariétaux de leur cerveau14.
Statistiquement, les données féminines sont fréquemment plus resserrées autour de la moyenne. Le QI moyen des femmes et des hommes, par exemple, est sensiblement le même, mais l’écart-type est chez les femmes plus resserré que chez les hommes, ce qui signifie qu’on trouve moins de femmes aux deux extrémités de la courbe de Gauss exprimant la distribution des capacités cognitives. En clair, il y a chez les hommes à la fois plus de génies et plus de retardés ou d’idiots : les hommes sont plus « exceptionnels », pour le meilleur comme pour le pire. La dyslexie est deux fois plus fréquente chez les garçons, le trouble du déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH) trois fois plus fréquent, les troubles du langage et de la lecture quatre fois plus fréquents, l’autisme quatre à dix fois plus fréquent, le syndrome d’Asperger dix fois plus fréquent. La dépression et l’anxiété sont en revanche deux fois plus fréquentes chez les femmes, et à consommation égale, celles-ci sont également plus vulnérables à l’alcool. Ces disparités confirment que les hommes sont plus fragiles que les femmes, cette plus grande fragilité se constatant dès le stade embryonnaire (il y a 7 % de plus de prématurés chez les garçons). « La variation masculine est plus grande, écrit Susan Pinker. Si la moyenne des hommes – les résultats moyens du groupe – est à peu près équivalente à celle des femmes, leurs résultats individuels sont plus dispersés ; par exemple, on trouve plus d’hommes très stupides ou très intelligents, très paresseux ou prêts à se tuer au travail. Les hommes sont plus nombreux à présenter des fragilités d’ordre biologique et des aptitudes exceptionnelles dans des centres d’intérêt restreints […] La courbe normale des hommes se présente différemment, avec plus d’individus aux extrémités […] Il y a plus de cas atypiques chez les hommes, et plus de cas “normaux” chez les femmes »15.


Les femmes deviennent plus « masculines » après la ménopause

Tout au long de leur vie, les hommes prennent plus de risques que les femmes, ont plus d’accidents, commettent plus de crimes, tombent plus souvent malades et meurent plus jeunes. (L’espérance de vie moyenne des deux sexes augmente, mais l’écart entre les sexes ne diminue pas : 85 ans pour les femmes, 78 ans pour les hommes16). L’immense majorité des criminels et des meurtriers sont des hommes, même lorsque les crimes qu’ils commettent ne font nullement appel à la force physique. En France, 85 % des homicides et 98 % des crimes sexuels sont commis par des hommes (qui représentent également 96 % de la population carcérale). L’explication selon laquelle les femmes sont moins criminelles parce qu’elles n’ont pas assez de force physique pour cela n’est pas recevable, car un très grand nombre de crimes et délits n’exigent précisément pas de force physique pour passer à l’acte. Il est légitime d’en conclure que les femmes ont par nature une moindre propension à recourir à la violence ou à réagir de façon violente à des situations de crise. Les tentatives de suicide sont plus fréquentes chez les femmes, mais les morts par suicide plus fréquentes chez les hommes, parce que ce sont eux qui ratent le moins leur coup (la tentative de suicide est plus fréquemment un appel aux vivants qu’elle n’exprime un véritable désir de mort).
Les femmes possèdent un odorat plus fin. La vue des hommes est plus pénétrante, celle des femmes plus synoptique et plus colorée. Les hommes surclassent les femmes dans la reconnaissance des visages, mais les femmes surclassent les hommes dans la reconnaissance des expressions. Les femmes parlent en général plus dans les aigus que les hommes (un octave environ les sépare). En ce qui concerne le toucher, les femmes possèdent jusqu’à dix fois plus de récepteurs cutanés que les hommes. La pupille de l’œil se dilate plus ou moins dans les deux sexes en fonction de la quantité de lumière atteignant la rétine, mais à éclairage égal, la pupille des femmes est en moyenne d’un diamètre supérieur à celle des hommes. Les pupilles des femmes se dilatent en outre spontanément quand elles voient des bébés, ce qui n’est pas le cas de celles des hommes.
Le cycle menstruel influe sur le comportement féminin d’une façon, subtile mais nette, qui a fait l’objet de nombreuses études empiriques. En période d’ovulation, c’est-à-dire de fécondité, les femmes tendent sans même s’en rendre compte à mieux s’habiller, à mieux se maquiller, à se rendre plus attirantes, à dépenser plus d’argent pour leurs vêtements. L’ovulation influe à leur insu sur leurs désirs d’achat et leur manière de consommer. « De façon spectaculaire, explique Jean-Paul Mialet, certaines recherches sur les relations entre beauté faciale et imprégnation hormonale confirment les thèses évolutionnistes en montrant que les hommes sont davantage attirés par les visages de femmes en phase d’ovulation »17. Les phases du cycle menstruel influent également sur la capacité de détection des odeurs.
Le rôle des hormones a été confirmé par diverses expérimentations sur l’animal. L’injection de testostérone ou d’androgènes chez des rongeurs femelles déclenche immédiatement des comportements « masculins », à commencer par une plus grande agressivité. Chez la souris, la suppression chez la femelle d’un seul gène (FucM) déclenche chez elle une « masculinisation » de son cerveau et l’adoption de comportements typiquement mâles. Dans l’espèce humaine, les femmes deviennent plus « masculines » après la ménopause, car leur corps enregistre une montée du taux de testostérone, alors que chez les hommes c’est le contraire (une poussée d’œstrogène les rend moins « masculins »).


L’homme est-il « plus naturellement polygame » ?

Toutes ces différences ont évidemment leurs prolongements dans les comportements amoureux. Mais ici, avant d’aller plus loin, disons une fois pour toutes que parler des « hommes » et des « femmes » n’a bien entendu de sens que du point de vue statistique. Compte tenu du polymorphisme de l’espèce humaine, on trouve toujours des exceptions. L’erreur ou le sophisme consiste à oublier que l’exception confirme la règle ou, plus fréquemment encore, à instrumentaliser l’exception pour en faire une norme parmi d’autres. Il en va de même de toute proposition relative à un groupe : quand on dit que les Napolitains sont plus extravertis que les Islandais, on ne veut pas dire qu’aucun Islandais n’est extraverti ni qu’aucun Napolitain n’a tendance à l’introversion ! On se réfère seulement à une donnée d’ensemble qui, du point de vue statistique, peut être empiriquement vérifiée. On peut également être un homme et avoir de la poitrine, être une femme et ne pas en avoir : il reste que d’un point de vue statistique, les femmes ont plus de poitrine que les hommes. Ajoutons qu’un « stéréotype » n’est jamais que la généralisation abusive d’une donnée statistique généralement vérifiable.
On s’est longtemps borné à opposer une sexualité féminine jugée plus diffuse à une sexualité masculine considérée comme plus déterminée. La sexualité féminine n’est en réalité pas une sexualité plus inhibée ou plus bridée que la sexualité masculine, mais une sexualité différente, qui ne s’épanouit pas de la même façon. Il y a plus de tendresse chez les femmes que chez les hommes, par exemple, mais la tendresse n’a rien à voir avec l’émotivité (on peut être très émotif sans être tendre). La personnalité amoureuse, les mécanismes du désir, les comportements de séduction, la gestion des émotions ne sont pas les mêmes dans les deux sexes18.
Nombre de ces différences ont été acquises au cours de l’évolution. L’affirmation selon laquelle l’homme est « plus naturellement polygame » que la femme, par exemple, n’a rien à voir avec la philosophie morale ni avec des « stéréotypes » d’ordre culturel, mais doit se comprendre dans la perspective évolutionnaire de la procréation. Dans ce domaine, le « coût d’investissement » est radicalement différent pour les deux sexes : une femme ne peut au mieux espérer être enceinte qu’une fois par an, tandis qu’un homme peut théoriquement féconder une femme différente à chaque rapport sexuel. L’« intérêt procréatif » de l’homme le pousse donc à avoir un plus grand nombre de partenaires différents, pour maximiser les chances de transmission de ses gènes, celui de la femme passant au contraire par la nécessité d’établir avec le père de ses enfants un lien garantissant de façon durable leur sécurité. Comme l’écrit Jean-Paul Mialet, « dans l’intérêt de la conservation des espèces en général, y compris de l’espèce humaine, il est certainement préférable que les mâles disséminent leurs gènes et que les femelles choisissent les meilleurs gènes »19. Dans toutes les espèces de mammifères, l’investissement que représente pour les mâles et les femelles la mise au monde d’une progéniture (dans l’espèce humaine, un simple éjaculat pour l’homme, la perspective d’une grossesse, d’un accouchement et l’élevage d’enfants en bas âge pour la femme) détermine donc le degré de discrimination exercé par chaque individu pour la sélection de ses partenaires. Plus cet investissement est important, plus la discrimination est grande, ce qui explique que les femelles discriminent entre leurs partenaires beaucoup plus que les mâles. Les femelles tendent de ce fait à limiter le succès reproductif des mâles, ce qui augmente la compétition entre les mâles pour l’obtention des femelles.


Le sexe fort n’est pas celui qu’on croit

Cette capacité supérieure qu’ont les hommes à répandre leurs gènes est sans doute la raison biologique pour laquelle les femmes, bien qu’elles aient aujourd’hui acquis en principe la maîtrise de leur fertilité, s’engagent toujours moins spontanément dans une relation sexuelle, surtout lorsqu’elle est éphémère. C’est parce qu’au cours de l’évolution, les femmes devaient sélectionner parmi les mâles ceux qui assureraient le plus de garanties de survie à leur progéniture qu’elles continuent à penser qu’une relation sexuelle les engage plus que les hommes et les expose à de plus grands risques. C’est aussi peut-être la raison pour laquelle les hommes veulent plus fréquemment avoir des fils que des filles (l’inverse s’observant chez les femmes). Pendant des siècles, les femmes ont cherché à se faire épouser et les hommes à faire l’amour. Dans les sociétés traditionnelles, accepter de se marier était pour les hommes un moyen de pouvoir faire l’amour régulièrement, tandis que pour les femmes accepter de faire l’amour était un moyen de pouvoir se marier. Même à l’époque de la « liberté sexuelle », les femmes continuent, en moyenne, à avoir au cours de leur vie moins de partenaires sexuels que les hommes. « La femme aime le désir qu’elle provoque chez les hommes, mais ne trouve de plaisir qu’avec l’homme qu’elle se choisit, écrit encore Jean-Paul Mialet. L’homme aime le plaisir qu’il prend avec une femme, mais il est curieux de toutes » 20.
Dans toutes les cultures humaines, 80 % des femmes se marient avec des hommes qui sont plus âgés, plus diplômés et plus riches qu’elles, les hommes qu’elles épousent faisant le choix inverse. C’est en effet un invariant anthropologique que la jeunesse et la beauté sont ce qui attire le plus les hommes, au détriment du reste. La raison en est que la jeunesse va statistiquement de pair avec la beauté, et que la beauté (manifestée entre autres par la symétrie des traits du visage) est généralement un signe de bonne santé susceptible de se transmettre à la descendance. « L’imprégnation œstrogénique révélée par les traits des visages de jeunes femmes constitue une garantie d’efficacité reproductive » 21. Les hommes sont donc plus spécialement attirés par les femmes dont les visages possèdent les caractéristiques de la jeunesse. On note aussi chez eux une préférence universelle pour les femmes ayant un rapport contrasté entre le tour de taille et le tour de hanches (waist-to-hip ratio), car ce rapport indique la présence d’une plus grande quantité d’hormones reproductrices (estradiol et progestérone) et constitue donc un indice de fertilité.


L’homme est beaucoup plus voyeur que la femme

Si les hommes s’intéressent avant tout au physique de leurs partenaires, les femmes s’intéressent très souvent au statut social, car ce statut est un gage de sécurité pour elles-mêmes comme pour leur progéniture. « On observe chez les femmes une attirance quasi magnétique pour la compétition et la réussite masculines, et ce partout dans le monde », précise Susan Pinker22. Le fait pour les femmes de pouvoir réussir professionnellement aussi bien que les hommes n’y a rien changé. Une enquête réalisée en juin 2008 indiquait que, dans l’entreprise, « les femmes cadres décrivent les hommes cadres comme des cadres, alors que les hommes cadres décrivent les femmes cadres comme des femmes ». Rares sont les hommes attirés sexuellement par Martine Aubry, Angela Merkel ou Margaret Thatcher au seul motif de leur célébrité politique ou sociale, tandis que le plus laid des chanteurs du box office sera vite entouré d’une bande d’admiratrices. Un ouvrier convoite rarement un laideron au motif qu’elle est chef d’entreprise, tandis que les amours d’un patron et de sa jolie secrétaire sont d’une extrême banalité. L’attirance traditionnelle des femmes pour les attributs du pouvoir, perçus comme des signes de protection et de sécurité, est donc loin d’avoir disparu.
Un autre invariant anthropologique est que les hommes ont une approche plus analytique des femmes, et les femmes une approche plus globale ou plus synthétique des hommes. Le physique d’un homme contribue bien entendu à le rendre désirable aux yeux d’une femme, mais c’est rarement à cet aspect physique qu’elle donne une priorité absolue : pour elle, la séduction forme un tout. Son érotisme reste un érotisme de contact global et de relation. Les hommes s’intéressent avant tout au physique des femmes, les femmes au physique, à l’apparence, au charme, à la position sociale, à l’intelligence, à l’humour, etc. L’homme est beaucoup plus voyeur que la femme. Il est plus excité que la femme par la seule vue des organes génitaux. Le désir d’un homme peut être suscité par une paire de fesses ou de seins, une petite culotte, un soutien-gorge ; le désir d’une femme est rarement suscité par la seule vue d’une verge, d’une paire de testicules ou d’un caleçon.
Diverses études empiriques confirment la tendance des hommes à voir dans le corps des femmes un assemblage de différentes parties plus ou moins attirantes sexuellement plutôt qu’une personne globale. Cette tendance à l’« objectification », liée à une perception dissociatrice, explique que les déclencheurs du désir ne soient pas les mêmes chez les hommes et les femmes, que leurs mécaniques érotiques ne répondent pas aux mêmes signaux. C’est un fait que les hommes dissocient plus facilement que les femmes les relations purement sexuelles et l’attirance amoureuse ou sentimentale. « En règle générale, écrit Michel Schneider, pour les hommes, amour veut dire sexe, pour les femmes, sexe veut dire amour »23. « La femme cherche d’abord une histoire qui donne un sens à sa chair », ajoute Jean-Paul Mialet24. C’est ce qui explique que la consommation de pornographie reste très majoritairement masculine, et que la prostitution féminine soit infiniment plus répandue que la prostitution (hétérosexuelle) masculine.
La compétition inter-masculine pour séduire les femmes ne se manifeste pas de la même façon que la compétition inter-féminine pour susciter le désir des hommes. La jalousie ne revêt pas non plus les mêmes formes : toutes les enquêtes montrent que les hommes sont plus sensibles à l’infidélité sexuelle (73 %), qui dans le passé les menaçait d’avoir sans le savoir à élever l’enfant d’un autre, les femmes plus sensibles à l’infidélité amoureuse (96 %), qui dans le passé menaçait la sécurité de leur lien de couple.


Un argument classique de la pensée des Lumières

L’idéologie du genre, on l’a vu, pense le genre comme sans rapport avec le sexe, et fait volontiers un parallèle avec le couple nature-culture. La nature serait fataliste, déterministe, aliénante, tandis que la culture serait intrinsèquement émancipatrice. Reconnaître l’importance de la culture impliquerait donc de mettre en cause le « discours naturaliste de l’enfermement des femmes dans leur destin bio-physiologique » (Danièle Sallenave). L’homme se ferait d’autant plus homme qu’il romprait plus fondamentalement avec la nature. On reconnaît là un argument classique de la pensée des Lumières. Selon ce schéma, une barrière étanche devrait être dressée entre la nature et la culture, se laisser dicter ses choix par la nature étant ressenti comme contraire à la liberté. L’homme devrait se construire tout seul, et surtout se construire à partir de rien. Il devrait décider intégralement par lui-même de ce qu’il est.
L’argument consistant à attribuer à la « nature » une capacité de détermination totale, ou à la récuser pour cette même raison, est en réalité un argument très faible. Parler de « nature » n’équivaut nullement à invoquer un strict déterminisme. Tout particulièrement dans les sociétés humaines, la « nature » n’est qu’une base potentielle. Elle incline ou favorise, elle conditionne, mais ne contraint pas. Il se trouve seulement qu’on ne peut pas en faire abstraction. Dans le domaine de la sexualité, tout ne se ramène pas au phallus et à l’utérus, aux hormones, aux phéromones, à la testostérone et à l’ocytocine, mais ce n’est pas une raison pour faire comme si tout cela n’existait pas. La différence de sexe est chez l’homme, comme chez tous les mammifères, une donnée biologique. Cette donnée biologique est l’une des bases « naturelles » sur lesquelles se construisent les cultures humaines, ce qui ne veut pas dire que ces cultures se réduisent à la « nature » ou à la biologie. Elles ne déterminent pas de façon rigoureuse, mais elles conditionnent et prédisposent. La sexualité humaine est d’abord un fait biologique, mais elle n’est pas que cela. À partir de ce constat, deux erreurs sont possibles : la première consiste à croire que la culture est intégralement réductible à la nature, qu’elle n’est que de la nature continuée sous une autre forme (c’est l’erreur des différentes doctrines biologisantes), la seconde à s’imaginer que la nature ne joue aucun rôle et qu’on peut radicalement s’en affranchir, car tout est « construit » ou « fabriqué », y compris ce que l’on pense être « naturel » (c’est l’erreur de l’environnementalisme radical). On retrouve ici la vieille (et fausse) opposition entre l’inné et l’acquis.
Dire qu’on ne naît pas homme ou femme, mais qu’on le devient – ou qu’on devient encore autre chose ! –, c’est déjà dire que nous ne sommes jamais que ce que nous avons décidé d’être, que rien de tout ce qui nous constitue ne saurait se former que sous l’effet de nos choix, que nos choix ne se forment qu’en aval de nous-mêmes, sans jamais être influencés en amont par un donné, par un héritage ou une appartenance. Or, on ne construit jamais que sur un déjà-là. Comme l’écrit Xavier Lacroix, la liberté ne se construit pas ex nihilo. « Elle n’est pas autocréation, elle n’est pas l’arbitraire. Elle est aussi accueil d’un donné »25. Il faut donc rejeter d’un même mouvement l’idée de table rase et celle d’une détermination absolue par la nature. L’appartenance sexuelle est aussi bien donné originaire que vocation médiatisée par une culture et une liberté.


Le grand retour du cache-sexe

Concernant l’idéologie du genre, la question que l’on peut se poser est de savoir en quoi elle relève encore du « féminisme » à partir du moment où elle se propose de déconnecter le « masculin » du sexe de l’homme et le « féminin » du sexe de la femme, et visant ainsi à l’indistinction des sexes, ou du moins à l’effacement de la distinction sexuée. S’il n’y a plus d’hommes ni de femmes, pourquoi en effet continuer à parler de « masculin » et de « féminin » ? Et si les sexes n’existent pas, quel est donc le sujet du féminisme ? Comment les femmes peuvent-elles être femmes en niant la réalité d’une spécificité féminine, de quelque chose qui les caractérise en tant que femmes ? Comment peuvent-elles rester femmes en se « libérant » de leur sexe ? Plus précisément, comment peuvent-elles se libérer en tant que femmes tout en se niant comme femmes ? Comme l’écrit Catherine Malabou, « il faudrait accepter l’idée que le féminisme peut désormais être entendu comme un féminisme sans femme […] Si le féminin a un “sens”, ce serait alors dans la mesure où il permet de remettre en cause l’identité de la femme et procède de la déconstruction et du déplacement de cette identité même […] Qu’est-ce que le féminisme s’il faut en effacer son point source, la femme ? »26
C’est ce glissement du féminisme vers une idéologie du genre qui n’est que la caricature ou la contrefaçon de l’ancien mouvement des femmes qui explique les critiques qui lui ont été adressées, non par les milieux réactionnaires, mais par d’autres représentantes de ce mouvement, telle Geneviève Fraisse27 ou encore Sylviane Agacinski, qui confiait dans un entretien s’être éloignée des thèses de Simone de Beauvoir après avoir « compris que la libertée exaltée par la philosophe se payait du prix d’un reniement absurde de la nature, de la maternité, et du corps féminin en général »28. C’est également le constat fait par Camille Froidevaux-Metterie : « Le “genre” est le concept opératoire qui a permis de dissocier les femmes de leur “nature biologique” et ainsi de les définir comme des sujets à l’égal des hommes. Mais dans ce processus, on a perdu le féminin de la femme, c’est-à-dire tout ce qui renvoie au corps des femmes. La relation homme-femme, amoureuse et sexuelle, la question de la maternité et celle du rapport des femmes à leur corps, notamment via le souci esthétique, toutes ces dimensions ont été disqualifiées au prétexte qu’elles fondaient la domination masculine »29.
Il n’y a dans la différence sexuelle rien qui place l’un des deux sexes dans une position intrinsèquement supérieure ou inférieure par rapport à l’autre. Les sexes, simplement, ne sont pas interchangeables. Parler de valeurs masculines ou féminines n’implique pas non plus une assignation, mais se fonde sur une constatation. Sur le plan symbolique et social, la dissemblance sexuée évite à l’homme de s’enfermer dans sa propre image. C’est le goût de cette différence qui pousse beaucoup de parents à vouloir avoir au moins un enfant de chaque sexe. Le véritable sexisme, c’est le mépris de l’un des deux principes de l’organisation sexuelle de l’homme, le refus de la différence.
L’idéologie du genre, c’est le grand retour du cache-sexe. L’idéologie feuille de vigne : non plus « cachez ce sexe que je ne saurais voir », mais « cachez ce sexe qui n’a rien à nous dire ». Le rêve d’une postmodernité post-sexuelle où, faute d’avoir créé une société sans classes, on aurait une société sans sexes. Une société où la « libération du désir » signifierait, non plus qu’il faut libérer le désir, mais qu’il faut s’en libérer. Un rêve d’indistinction, un rêve de mort.


  1. Teresa de Mauretis, Théorie queer et cultures populaires, La Dispute, Paris 2007. ↩︎
  2. Jean-Albert Meynard, Le sexe du cerveau. Hommes/femmes : les vraies différences, L’Archipel, Paris 2011, p. 16. ↩︎
  3. Michel Schneider, La confusion des sexes, Flammarion, Paris 2007, p. 123. ↩︎
  4. Jean-Jacques Rousseau, Émile, in Œuvres complètes, Gallimard-Pléiade, Paris 1959-95, vol. 4, pp. 692-693. Sur la diversité des interprétations féministes de la pensée de Rousseau, on lira le chapitre « Le prisme féministe » de l’excellent livre de Céline Spector, Au prisme de Rousseau : usages politiques contemporains, Fondation Voltaire, Oxford 2011, pp. 227-261. ↩︎
  5. Jean-Paul Mialet, Sex aequo. Le quiproquo des sexes, Albin Michel, Paris 2011, pp. 26-27. ↩︎
  6. Lise Eliot, Cerveau bleu, cerveau rose. Les neurones ont-ils un sexe ?, Robert Laffont, Paris 2011, p. 10. ↩︎
  7. Cf. Jennifer Connellan, Simon Baron-Cohen et al., « Sex Differences in Human Neonatal Social Perception », in Infant Behavior and Development, 23, 2000, pp. 113-118 ; Louann Brizendine, The Female Brain, Morgan Road, New York 2006, pp. 117-134. ↩︎
  8. Cité par Alain Braconnier, Mère et fils, Odile Jacob, Paris 2007, p. 63. ↩︎
  9. On notera que les mâles sont plus agressifs que les femelles chez d’innombrables espèces animales, des scarabées jusqu’aux chimpanzés. Le motif essentiel de cette agressivité est la compétition qui oppose les mâles pour obtenir la possibilité de s’accoupler aux femelles. Chez les mammifères supérieurs, l’empathie est une caractéristique plus féminine que masculine, car lorsque des petits sont en danger, la femelle doit réagir immédiatement. « La perpétuation de tous les mammifères repose massivement sur les soins dispensés par la mère » (Steven Pinker, in Philosophie Magazine, mai 2012, p. 41). Le fait pour les femmes de mieux ressentir les émotions d’autrui favorise leur lien à l’enfant nouveau-né en l’absence de langage, ce qui explique que ce trait ait fait l’objet d’une sélection adaptative positive au cours de l’évolution. ↩︎
  10. Susan Pinker, Le sexe fort n’est pas celui qu’on croit. Un nouveau regard sur la différence hommes-femmes, Les Arènes, Paris 2009, p. 223. ↩︎
  11. Cf. notamment Doreen Kimura, Sex and Cognition, MIT Press, Cambridge 1999 ; Simon Baron-Cohen, The Essential Difference. Men, Women and the Extreme Male Brain, Basic Books, New York 2003 ; Melissa Hines, Brain Gender, Oxford University Press, Oxford 2004 ; Louann Brizendine, op. cit. ; Catherine Vidal, Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ?, Le Pommier, Paris 2007. ↩︎
  12. Jean-Albert Meynard, Le sexe du cerveau, op. cit., pp. 36 et 67. ↩︎
  13. Cf. Catherine Gouchie et Doreen Kimura, « The Relationship between Testosterone Levels and Cognitive Ability Patterns », in Psychoneuroendocrinology, 1991, 4, pp. 323-324. ↩︎
  14. Étude réalisée à l’Université de l’Iowa, parue dans Brain and Cognition, 5 novembre 2008. ↩︎
  15. Susan Pinker, Le sexe fort n’est pas celui qu’on croit, op. cit., p. 26. ↩︎
  16. Des recherches récentes ont mis en rapport la longévité supérieure des femmes avec des mutations spécifiques ayant affecté leur ADN mitochondrial au cours de l’évolution (cf. Current Biology, août 2012). ↩︎
  17. Sex aequo, op. cit., p. 174. ↩︎
  18. Cf. « Men and Women have Major Personality Differences », in PloS ONE,
    4 janvier 2012. ↩︎
  19. Sex aequo, op. cit., p. 100. ↩︎
  20. Ibid., p. 96. ↩︎
  21. Ibid., p. 174. ↩︎
  22. Le sexe fort n’est pas celui qu’on croit, op. cit., p. 264 ↩︎
  23. La confusion des sexes, op. cit., p. 125. ↩︎
  24. Sex aequo, op. cit., p. 87. ↩︎
  25. « La différence sexuelle a-t-elle une portée spirituelle ? », in Xavier Lacroix, éd., Homme et femme. L’insaisissable différence, Cerf, Paris 1993, p. 142. ↩︎
  26. Catherine Malabou, « Le sens du “féminin” », in Revue du MAUSS, 1er sem. 2012, pp. 180 et 187. Cf. aussi Catherine Malabou, Changer de différence. Le féminin et la question philosophique, Galilée, Paris 2010. ↩︎
  27. Geneviève Fraisse, À côté du genre. Sexe et philosophie de l’égalité, Le Bord de l’eau, Lormont 2010. ↩︎
  28. Entretien in Le Monde, 15 décembre 1998. Cf. aussi Sylviane Agacinski, Politique des femmes, Seuil, Paris 1998. ↩︎
  29. Philosophie Magazine, mai 2012, p. 56. ↩︎

Un nec plus ultra : le sexe de la femme

Quarante-cinq ans après… Le classique de Gérard Zwang, Le sexe de la femme, est réédité, et disons sans ambages que, enrichi et mis à jour, il n’a rien perdu de sa fraîcheur première et moins encore de sa salubrité. Le sexe féminin demeure aujourd’hui en effet, et fort malheureusement, un mystère un peu inquiétant pour nombre de femmes et d’hommes, y compris en notre bel Occident éclairé mais peut-être en voie d’obscurcissement sous l’action conjuguée des nouveaux puritanismes laïques et des intégrismes religieux. Or, le sexe féminin est la première merveille du monde, le nec plus ultra du vivant, que Gérard Zwang nous apprend à connaître, à aimer, à respecter et, surtout, à dédiaboliser : Le sexe de la femme a été une bombe lorsqu’il est paru pour la première fois en 1967 (ce fut l’une des bibles de ce qu’il y eut de meilleur au mois de mai de l’année suivante), et ses vertus révolutionnaires restent indispensables à une époque où se multiplient les atteintes à l’intégrité de ce délicieux et précieux organe, par exemple cette affreuse mode de l’épilation qui rétablit en somme la censure anatomique que l’Église a si longtemps imposée aux artistes et qui, notamment, rend les films pornographiques actuels dépourvus de toute saveur érotique et même carrément repoussants. Livre de science, Le sexe de la femme est donc aussi un livre de libération, un livre de combat : femmes et hommes, n’ayez pas peur, dit Gérard Zwang, cultivez amoureusement votre jardinet ou celui de votre compagne ! Le grand sexologue et musicologue, il l’a prouvé en bien d’autres ouvrages, n’est jamais meilleur écrivain que lorsqu’il règle leur compte aux professionnels de la moralité publique (ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui), à ces Tartuffe qui cachent ce sexe qu’ils ne sauraient voir… Il y a aussi un peu d’utopie chez Gérard Zwang : « Si un jour nos compagnes peuvent, sans gêne ni affectation, montrer leur sexe à la piscine et à la plage, dans les champs et dans les bois, partout où le corps humain peut orner la nature, ce sera le signe du passage à un degré supérieur de civilisation, pacifiée, saine et fraternelle. » On peut toujours rêver !
Quarante-cinq ans après, il faut toujours rêver… et toujours se battre. Champion infatigable de la cause des femmes, Gérard Zwang ne se contente pas de rééditer ou de mettre à jour ses anciens écrits. Il repart à la bataille avec Touche pas à mon sexe !, un formidable pamphlet où cet héritier de Rabelais par la science et par la plume dénonce ces dangereuses insultes à la nature que sont l’épilation, le découpage des nymphes, et cette abomination criminelle qu’est l’excision. Au palmarès de la bêtise, il donne une place de choix à la sinistre princesse Marie Bonaparte, cette « femme savante » et frustrée que terrorisait son clitoris, mais au tableau d’honneur, nous savons gré à Gérard Zwang d’avoir inscrit le « si excellent Pascal Thomas, toujours au plus près de notre vraie vie intime ».

Michel Marmin


Gérard Zwang, Le sexe de la femme, La Musardine, 432 p., 16 €.
Gérard Zwang, Touche pas à mon sexe ! Cette féminité qu’on assassine, Jean-Claude Gawsewicth, 256 p., 17,90 €.

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