Vous l’ignorez sans doute mais en cas de grosse chaleur, voire de canicule, il est important de « boire régulièrement de l’eau ». Fort heureusement, des messages audio sont en permanence diffusés dans les transports publics pour informer les enfants attardés que vous êtes de cette impérieuse nécessité. Ils viennent en renfort des affiches également apposées un peu partout pour vous rappeler de ne pas vous laisser mourir de soif ni d’attendre la syncope pour vous rafraîchir. On s’étonne d’ailleurs qu’il ne soit pas également indiqué que le port du bonnet de ski et de la doudoune en plumes d’oie est fortement déconseillé… Afin de renforcer « l’impact » de cette indispensable (et certainement coûteuse) campagne « d’information et de prévention », certains des plus éminents représentants de notre élite ont décidé de mettre la main à la pâte et de descendre dans les tréfonds de la capitale pour y distribuer des petites bouteilles d’eau aux chanceux qu’ils croiseront. Ainsi, l’ancien premier ministre Jean Castex, désormais PDG de la RATP, a-t-il ouvert les portes de son nouveau royaume suburbain à sa grande copine Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, pour mener, entourés d’une nuée de journalistes, cette indispensable opération que seul un esprit chagrin pourrait penser être un clip publicitaire d’auto-promotion. Car le spectacle dépasse de très loin cette seule dimension. Observer ces élus et hauts fonctionnaires, se déplaçant d’ordinaire exclusivement en voiture avec chauffeur, déambuler dans les couloirs d’un monde si étrange, nouveau et dépaysant pour eux, arborant le grand sourire ébahi du visiteur de zoo en goguette et distribuant des petites briques d’eau comme on donnerait des cacahuètes à des primates, est une vision qui touche au sublime, au summum de la tragi-comédie républicaine, ce prétendu régime « du peuple, par le peuple et pour le peuple » qui n’est en réalité qu’une ploutocratie de copinage et de connivence où la répartition des innombrables prébendes est la seule et unique finalité. Tout est parfait dans ces quelques images, tout y est : le mépris de classe, la fausse empathie, le décalage avec les « vrais problèmes », l’infantilisation…
Démagogie sans limite
De Madame Fabius roulant en 2CV à Oudéa-Castéra entonnant du Aya Nakamura, en passant par Giscard jouant de l’accordéon et Hidalgo plongeant dans la Seine, on pouvait se demander jusqu’où pouvait aller la démagogie et le ridicule « républicains ». On a désormais la réponse : ils n’ont pas de limite.
Pourtant ce n’est pas cette fausse proximité ni cette – aussi ponctuelle que condescendante – sollicitude que réclame l’électeur-citoyen-usager. Lui, bassement et petitement pragmatique, il souhaiterait plutôt des transports en communs réguliers, propres, accessibles, peu onéreux et dans lesquels il est possible de voyager sans risquer un coup de couteau, un arrachage de sac ou une bordée d’injures. Penser à boire quand il fait chaud, malgré les ravages causés par l’éducation nationale, il y parvient encore à peu près tout seul…