Cette victoire électorale fit peu d’échos en France. Elle est pourtant importante. En septembre 2024, le Parti de la Liberté (FPÖ), dirigé par Herbert Kickl, remporte les élections parlementaires autrichiennes avec 28,8 % des voix, battant le chancelier sortant et chrétien-démocrate, Karl Nehammer, du Parti populaire autrichien (ÖVP). Plus de trois mois après cette victoire aux élections législatives, les tambouilles politicardes qui devaient mener à une alliance gouvernementale, en excluant le Parti de la Liberté, se sont toutes soldées par des échecs. En conséquences, le chancelier Nehammer rend sa blouse en donnant sa démission. Ce lundi, le président fédéral autrichien, Alexander Van der Bellen, a chargé Herbert Kickl, président du Parti de la Liberté, de former une coalition dans les semaines ou les mois à venir. Fondé en 1956 par d’anciens nazis, se positionnant historiquement comme un force politique nationale-libérale, et anticléricale, le Parti de la liberté se décrit aujourd’hui comme un mouvement politique « populiste de droite », se retrouvant dans l’appellation freiheitlich, (autrement dit, « libertarien ») devenant une force politique bien établie à partir de la fin des années 1980 en Autriche, notamment lorsque son leader, Jörg Haider devient gouverneur de Carinthie (Land le plus méridional de l’Autriche, limitrophe de l’Italie et de la Slovénie avec l’aide des sociaux-démocrates. Mais il n’a jamais dirigé une administration nationale à ce jour.
Retour après les scandales
C’est donc un retour en force pour le Parti de la Liberté après plusieurs scandales, notamment « l’Ibizagate », qui a vu la démission de l’ex-vice chancelier de la République d’Autriche, Heinz-Christian Strache, mais aussi son exclusion du parti, en 2019. Lors des élections législatives de septembre, le parti a obtenu 28,8% des voix, soit un gain de près de 13 points par rapport à son score quatre ans plus tôt. Le parti conservateur autrichien au pouvoir, le Parti Populaire Autrichien, est arrivé en deuxième position avec 26,3 % et les sociaux-démocrates en troisième position avec 21,1 %. Semblable aux tractations politiques allemandes, il est habituel que les élections autrichiennes débouchent sur des coalitions, mais ce résultat a été particulièrement compliqué parce qu’aucun des autres chefs de parti de l’époque n’était prêt à entrer au gouvernement avec le Parti de la Liberté sous la houlette de Kickl. Le président a demandé au chancelier sortant, Karl Nehammer, de tenter de mettre en place un nouveau gouvernement, mais les discussions sur d’éventuelles coalitions à trois ou à deux sans l’extrême droite ont achoppé sur la manière de redresser le budget de l’Autriche et de relancer l’économie. Provocateur et fin communicant, Herbert Kickl, 56 ans, et bien connu pour choquer l’establishment politique. Ancien rédacteur de discours pour Jörg Haider et stratège de campagne de longue date, il est à l’origine de nombreux slogans de campagne accrocheurs et provocateurs. En 2015, une membre du parti est expulsée pour avoir soutenu un commentaire antisémite sur les médias sociaux et Kickl, secrétaire général du parti à l’époque, déclare alors qu’elle avait « franchi une ligne rouge ». Kickl a également été ministre de l’intérieur de 2017 à 2019 lorsque le Parti de la Liberté n’était qu’un « allié minoritaire » au sein d’un gouvernement de coalition sous la direction du chancelier conservateur de l’époque, Sebastian Kurz. Kickl devient le chef du Parti de la liberté en juin 2021.
Plusieurs années après le Brexit, et alors que la crise économique se renforce durablement au sein de l’UE, cette arrivée au pouvoir du Parti de la Liberté inquiète les instances de la nomenklatura européenne. Pro-russe dans ses options sur le conflit en Ukraine, et sceptique quant aux mandats de l’UE, le Parti de la Liberté appelle à la création d’une « forteresse Autriche », capable d’arracher le pouvoir de décision à Bruxelles, le Parti de la liberté étant membre partie d’une alliance populiste de droite au Parlement européen, les Patriotes pour l’Europe. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, a salué « une victoire historique » du Parti de la liberté après les élections autrichiennes de septembre. Le chef de file de l’extrême droite néerlandaise, Geert Wilders, a quant à lui déclaré que son mouvement était en train de « gagner » en Europe. L’Autriche, qui applique depuis longtemps une politique de neutralité militaire, n’a jusqu’alors, pas fourni d’armes à l’Ukraine. Un autre signe de changement politique massif en Europe ? L’avenir nous le dira.
© Photo : Capture vidéo – Herbert Kickl, président du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ).