Lors du premier tour des élections présidentielles roumaines qui s’est déroulé ce dimanche 24 novembre 2024, le candidat nationaliste indépendant Călin Georgescu s’est imposé, à la surprise générale, à la première place. Son triomphe est avant tout dû à son positionnement en faveur de la paix en Ukraine, qu’il a fait connaître à la population en passant par les réseaux sociaux, tout particulièrement par l’application de partage de courtes vidéos TikTok. Diplômé en agronomie, il a été secrétaire général du ministère de l’Environnement et a ensuite occupé des fonctions aux Nations Unies.
Cet Outsider est désormais présenté, par la presse internationale de grand chemin, comme étant « pro-russe », alors qu’il désire simplement la paix en Ukraine et s’oppose à des livraisons d’armes supplémentaires à cet État. Il a déclaré, lors de la soirée post-électorale : « Ce soir, le peuple roumain a crié pour la paix. Et il a crié très fort, extrêmement fort. » Son discours pacifiste a fait mouche auprès de l’électorat d’un pays qui partage une frontière de plus de 500 kilomètres avec l’Ukraine, qui est une plateforme des livraisons occidentales vers cet État et où sont stationnées des troupes de pays membres de l’OTAN. Il a affirmé que l’Union européenne et l’OTAN ne défendent pas correctement les intérêts roumains.
Călin Georgescu a qualifié son succès de « réveil extraordinaire du peuple roumain » et a prétendu : « L’incertitude économique qui a pesé sur le peuple roumain pendant 35 ans est devenue aujourd’hui une incertitude pour les partis politiques. » Souverainiste, il désire favoriser l’autarcie économique, agricole et énergétique du pays.
La presse internationale du système met en avant l’affirmation émise dans le passé par Călin Georgescu à propos de deux personnages de l’histoire roumaine qu’il a qualifiés de « héros », affirmant que l’histoire a parlé par eux et non à travers les laquais actuels des puissances mondialistes : le « Conducător » Ion Antonescu, qui a dirigé le pays de 1940 à 1944 sous la houlette de l’Allemagne et a été fusillé en 1946, et le « Căpitanul » Corneliu Zelea Codreanu, chef de la « Légion de l’archange Michel » – renommée « Garde de fer » – assassiné en 1938. Il a ajouté : « Tous ont fait de bonnes choses et des choses moins bonnes. L’histoire a été mystifiée. »
Deux autres nationalistes
Un autre candidat nationaliste, le président de l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR) George Simion, arrive quatrième. L’AUR est eurosceptique modérée, souhaitant renforcer le poids de la Roumanie au sein de l’Union européenne, et est favorable à l’OTAN qui, selon elle, offre plus de sécurité, tout en étant anti-interventionniste dans le conflit ukrainien.
La candidate nationaliste Diana Șoșoacă de S.O.S. România n’a pas été autorisée à se présenter, sa candidature ayant été invalidée par la Cour constitutionnelle, sans que cette décision soit motivée.
L’idée de la « Grande Roumanie » – comprenant les anciens territoires roumains de Bessarabie, répartis de nos jours entre la République de Moldavie et la partie sud de la région d’Odessa en Ukraine, y compris l’île des Serpents, et de Bucovine du Nord en Ukraine – est très populaire au sein des milieux nationalistes roumains qui, par ailleurs sont très influencés par la religion orthodoxe.
Le président de l’AUR George Simion appelle à voter pour le nationaliste Călin Georgescu, face à la libérale Elena Lasconi arrivée deuxième avec un peu plus de 2 000 voix d’avance sur le Premier ministre social-démocrate Marcel Ciolacu sorti troisième, au deuxième tour de l’élection présidentielle prévu le 8 décembre. Entretemps, le 1er décembre, les élections législatives auront lieu à travers la Roumanie afin de désigner les députés et les sénateurs. Les partis nationalistes AUR et S.O.S. România seront en lice.
Les « anti-guerre » de moins en moins isolés
La montée en puissance de personnalités politiques opposées à la poursuite de la guerre en Ukraine, telle celle de Călin Georgescu, est un phénomène qui s’étend au sein de différents pays de la partie orientale de l’Union européenne, alors que, en Allemagne, le parti patriotique Alternative pour l’Allemagne (AfD) et le parti de gauche anti-immigration BSW, dont Sahra Wagenknecht est la figure de proue, mettent le gouvernement, qui est engagé dans une politique belliciste sous la coupe idéologique des écologistes de Bündnis 90/Die Grünen, sous pression : le Premier ministre démocrate-chrétien hongrois Viktor Orbán et le Premier ministre social-démocrate slovaque Robert Fico – dont le gouvernement comprend les deux partis sociaux-démocrates souverainistes et le parti nationaliste SNS – sont de moins en moins seuls. Même si le poste de président de la Roumanie est une fonction aux pouvoirs restreints, l’éventuelle élection de Călin Georgescu le 8 décembre constituerait une victoire symbolique pour le « parti de la paix ».
© Photo : portrait officiel de Călin Georgescu pendant sa campagne électorale de 2024.