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Palestine : une question trop sérieuse pour être abandonnée aux mélenchonistes

Palestine : une question trop sérieuse pour être abandonnée aux mélenchonistes

Même Le Monde, quotidien vespéral qui est aux élégances humanistes ce qu’une Nadine de Rothschild l’est à ces équivalences mondaines, a fini par s’en rendre compte, le 8 octobre 2024 : « En France, le mouvement pro-palestinien est phagocyté par LFI. » Mais ce que n’a peut-être pas reniflé notre fin limier, c’est que notre extrême gauche n’a toujours eu de tricolore que le nom et qu’elle a plus souvent battu pavillon américain que français ; ce qui ne la qualifie guère pour traiter des sujets du Proche et du Moyen-Orient. Explications.

En effet, au contraire d’un Parti communiste arrimé, au siècle dernier, à l’URSS, notre trotskisme hexagonal l’a toujours été, de manière plus ou moins inavouée, aux USA. Logique, les rejetons de la bourgeoisie progressiste étaient hédonistes et leur culture, ne serait-ce que musicale, relevait plus du Jefferson Airplane que les Chœurs de l’Armée rouge. Résultat ? Le chahut étudiant de Mai 68 ne fut jamais rien d’autre que la tardive réplique sismique de l’agitation estudiantine des campus californiens.

Aujourd’hui ? C’est la chenille qui redémarre. Ainsi, cette jeunesse dorée soutient désormais le Hamas, telle la corde le pendu. Alors que le conflit israélo-palestinien n’est que le fruit de deux peuples se battant pour la même terre, rivalisant chacun de nationalisme, LFI décalque son combat sur les théories en vogue dans les universités d’Outre-Atlantique, n’y voyant que l’éternelle lutte entre « colonisateurs » et « colonisés », « racistes » et « racisés ».

Une succession de colonisateurs

Pour commencer, en cette région singulièrement disputée, tout le monde est ou a été peu ou prou colonisateur. Des empires, grecs et romains, arabes et ottomans, français, anglais et maintenant israéliens, nombreux sont ceux à avoir colonisé les populations locales, elles-mêmes ayant été parfois descendants d’autres colonisateurs. Certes, celle du mouvement sioniste est d’une toute autre nature que ses traditionnels homologues, puisque se prévalant, hormis un projet laïc, d’une destinée divine : c’est la « Terre promise », celle que Dieu leur a donnée. Un peu à la façon des envahisseurs du Mayflower, dans la lointaine Amérique, eux aussi persuadés que le Tout-puissant, garant du cadastre terrestre, leur avait donné blanc-seing pour déporter les populations autochtones tout en les exterminant au passage. Rien à voir donc avec les empires d’autrefois pour lesquelles les provinces conquises ne servaient qu’à cyniquement agrandir leur influence tout en prélevant l’impôt au passage.

Mais la nuance n’est pas le propre de cette extrême gauche sous influence étatsunienne, prompte à tordre le cou à la réalité historique, pour peu que cela puisse entrer dans le cadre de la lutte contre le « patriarcat blanc », par essence prédateur, puis, dans le registre de « la convergence des luttes » voulant que les « racisés » soient les éternelles victimes du « racisme » blanc, forcément blanc. Une fois encore, la réalité se heurte de plein fouet au discours antiraciste. Une simple recherche photographique sur Google suffit. Côté Hamas ? Des Blancs. Côté Tsahal ? C’est déjà un peu plus « coloré », enrôlement de Falashas, ces Juifs d’Éthiopie et de bédouins oblige. La thèse des racialistes « antiracistes » mélenchonistes ne tient donc pas la route une seconde.

Tout comme les revendications des réseaux LGBT la tiennent encore moins, sachant qu’il vaut sûrement mieux se farder en drag-queen à Tel-Aviv qu’à Gaza.

De même, la polémique sur le vocable même de « terrorisme » tourne à vide.

Qui sont les « terroristes » ?

 L’extrême gauche accuse l’État hébreu de ce même « terrorisme », tandis que la droite – et parfois même la droite de la droite – fait de même du Hamas.

Or, faut-il encore savoir que dans cette région du monde, toutes les forces en présence ont été « terroristes », sont « terroristes » ou le deviendront tôt ou tard. D’ailleurs, les « terroristes » d’avant sont souvent les chefs d’État d’après : ce fut le cas des leaders palestiniens comme de leurs équivalents israéliens, sans négliger le fait qu’entre « terrorisme civil » et « terrorisme d’État », la frontière est généralement ténue.

Il y a l’indubitable acte terroriste du 7 octobre 2023, avec son cortège de morts civiles et innocentes. Dans un semblable registre, il y eut aussi, perpétrés par le camp adverse, les massacres de Der Yassin (1948) ou de Sabra et Chatila (1982), relevant, eux, du même terrorisme d’État. Les uns ne sauraient excuser l’autre, quoique l’ensemble puisse permettre d’expliquer nombre de haines inexpiables.

Bref, c’est aussi à cette aune qu’il convient de considérer le conflit en cours, dans lequel chacun des protagonistes à des raisons qui lui sont propres.

En d’autres termes, la création d’un futur État palestinien amené à peut-être coexister un jour avec Israël est une affaire trop sérieuse pour l’abandonner à des enfants gâtés et incultes. Surtout lorsqu’elle ne relève, dans le cas de LFI, que de bas calculs électoraux.

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