BREIZH-INFO. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs, M. Eichenlaub ?
OLIVIER EICHENLAUB : Professionnellement, je suis enseignant et formateur en communication, en géopolitique et en planification stratégique au sein de différentes écoles et institutions privées ou universitaires. J’ai intégré l’Iliade pour y poursuivre les réflexions qui m’ont formé dans ma jeunesse, et qui ont été très marquées par certains textes du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE) et du Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales (MAUSS). Politiquement, je reste très attaché aux valeurs du socialisme tel que l’ont défini, entre autres, Proudhon ou Georges Sorel.
BREIZH-INFO. Parlez-nous de la programmation de ce nouveau colloque de l’Iliade ? Quels sont les grands moments attendus ?
OLIVIER EICHENLAUB : Le colloque de 2020 est original dans le sens où il innove par rapport aux sujets traités jusqu’alors. Nous avons beaucoup parlé d’identité, de tradition ou de transmission, qui sont des thèmes fondamentaux pour ceux qui sont attachés à la culture européenne. En empoignant le sujet de la nature, l’Iliade souhaite aujourd’hui prendre le temps de s’exprimer aussi sur la question de l’écologie. Cette thématique est en effet fondamentale dans l’approche culturelle de l’Institut, même si elle n’a que rarement été mise en avant comme l’un des éléments qui constitue naturellement son ADN. L’Iliade travaille ici à l’inverse des partis de l’écologie politique : il ne s’agit pas de faire croire que la nature et l’environnement sont un prétexte ou une fin en soi, mais de les inclure en profondeur dans un discours cohérent, localiste et durable, libéré de l’idéologie prémâchée sur laquelle s’est appuyée la fausse « vague verte » des dernières élections municipales.
Dans ce contexte, tous les moments du prochain colloque seront certainement de grands moments. Les interventions programmées sont toutes de grande qualité et parleront à tout un chacun selon ce qu’il vient y chercher : une approche philosophique de la nature, une mise en perspective plus pragmatique sur les paysages et les territoires, mais également sur la culture, en questionnant par exemple notre relation aux mondes hostiles, à la montagne, au règne animal et la chasse. Tous ces thèmes seront évidemment abordés sans les partis pris que diffusent généralement les médias mainstream au nom d’une écologie dogmatique qui mène au radicalisme de l’antispécisme ou aux délires du transhumanisme. Le souhait de l’Iliade est de contribuer à une écologie « à l’endroit ». En particulier, nous attendons beaucoup du débat que mènera François Bousquet avec Michel Maffesoli.
BREIZH-INFO. Combien de personnes attendez-vous malgré les mesures sanitaires drastiques ?
OLIVIER EICHENLAUB : La fréquentation du colloque est en augmentation constante, passant d’un peu moins de 500 visiteurs lors de la première édition en 2014 à plus de 1 200 l’an dernier. L’édition 2020 sera évidemment une édition particulière, ne serait-ce que parce que l’évènement à été reporté d’avril à septembre. Dans un contexte anxiogène de pandémie globalisée, il est très difficile de prévoir les conséquences des mesures sanitaires sur la billetterie, mais nous espérons qu’un maximum de personnes seront présentes, « dans le strict respect des gestes barrières », selon la formule gouvernementale en vigueur. Dans tous les cas, mise à part la convivialité de la buvette qui n’est malheureusement pas délocalisable, l’ensemble des interventions sera disponible sur Internet et sur les réseaux sociaux, et la majorité des stands de livres, de revues et d’artisanat resteront également ouverts en ligne. Malgré les circonstances, le colloque 2020 ne devrait donc rien perdre de son contenu. L’Institut en profitera au contraire pour renforcer et structurer sa présence en ligne.
BREIZH-INFO. Quelle progression constatez-vous au fil des années concernant l’Institut Iliade ? Que donnent les formations de jeunes que vous entretenez, chaque année ?
OLIVIER EICHENLAUB : Les formations sont effectivement le deuxième point fort de la progression de l’Iliade, ce qui montre qu’il répond à une réelle demande, notamment de la part des jeunes générations (la moyenne d’âge des auditeurs est de 28 ans). Depuis la création de l’Institut, ce sont environ 180 auditeurs qui se sont succédé au sein de neuf promotions. Deux philosophies se complètent dans cette objectif de formation. Il s’agit d’abord d’appuyer la formation sur l’expérience en invitant des conférenciers compétents et renommés pour enseigner le socle philosophique, économique, social, historique et métapolitique de l’Institut. Mais il s’agit également de consolider la formation par l’expérimentation, en invitant chaque auditeur à se saisir de manière autonome d’un de ses sujets de prédilection, duquel pourra naître un texte, un itinéraire touristique, une image, une œuvre d’art ou un projet numérique, qui contribuent chacun à leur manière à raviver et à entretenir la mémoire et la culture européennes. La seule limite est l’imagination de la jeunesse, qui fournit toujours une interprétation renouvelée des idées défendues par l’Iliade. Nombre de ces auditeurs sont désormais de jeunes cadres de l’Institut.
Par ailleurs, outre les publications qui s’enrichissent presque de mois en mois au sein de trois collections différentes, plusieurs projets originaux permettent d’ouvrir les contributions de l’Iliade à de nouveaux domaines. C’est ce que traduit le grand succès de l’exposition artistique « Renaissance(s) » de 2019, qui devrait être renouvelée à l’issue du concours photo organisé cette année. Pour renforcer cette progression, de nombreux autres projets sont actuellement en gestation, qui devraient, à terme, permettre de toucher un public (encore) plus jeune et de mieux intégrer le monde de l’entreprise dans le combat des idées. 2021 devrait donc réserver de bonnes surprises…
BREIZH-INFO. « La Nature comme socle ». Le titre du colloque n’est-il pas contradictoire avec le fait de l’organiser en plein cœur de Paris, grande métropole s’il en est ? Peut-on envisager, un jour, un colloque de l’Iliade ailleurs en France ?
OLIVIER EICHENLAUB : Non, ce n’est pas contradictoire, au contraire. Cela fait des millénaires que les Européens ne vivent plus dans des grottes ou au milieu des champs. Le modèle grec prévoyait de se retrouver pour discuter au sein d’une agora, et les Romains faisaient de même sur leur forum. Ces deux espaces dédiés au débat sont fondamentalement urbains. La Cité est par ailleurs la véritable nature de l’organisation européenne, ce qui n’est pas du tout incompatible avec la protection de l’environnement ni avec avec le ressourcement que procurent les espaces naturels alentour. Le problème est que la ville est désormais associée aux banlieues et à la périurbanisation des compagnes et de la nature, qui sont en effet problématiques. En investissant le centre de Paris, l’Iliade fait donc un choix cohérent qui remet la ville à la place où elle devrait être.
En revanche, la France a fait l’objet, depuis près de mille ans, d’une centralisation excessive qui a mis Paris au centre de tous les réseaux. Imaginer un colloque autre part qu’à Paris est de ce fait une idée séduisante pour valoriser la diversité et les particularités régionales en s’affranchissant de la mauvaise humeur et de la suffisance qui caractérisent de nombreux Parisiens, mais elle n’est malheureusement pas réaliste d’un point de vue pratique. Paris reste la ville la plus accessible pour tous ceux qui viennent nous rencontrer depuis la France, la Suisse et la Belgique, et constitue, quoi qu’on en pense, une destination qui facilite les mobilités. Dans ce contexte trop fortement contraint, l’Iliade réfléchit cependant à une déclinaison de ses interventions dans ce que les Parisiens nomment « la province », et appelle tous les volontaires pour que ses actions puissent rayonner localement dans toutes les régions d’Europe.
Propos recueillis par Yann Vallerie