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L'épineux problème ukrainien dans la campagne électorale américaine

L’épineux problème ukrainien dans la campagne électorale américaine

En plein bouillonnement électoral, les États-Unis semblent avoir mis de coté ce qui est progressivement devenu un véritable boulet diplomatique et géo-stratégique : la guerre ukraino-russe. En effet, la politique électorale, par sa nécessaire réduction du temps, a transformé l’embarrassant conflit en un nœud gordien, qu'aucun des deux candidats ne souhaite véritablement trancher.

Du côté démocrate, la vice-présidente Kamala Harris fait du sur place dans une campagne aussi vigoureuse qu’une érection d’un locataire  d’EPHAD. Même face au très bienveillant animateur Stephen Colbert (lui-même démocrate), la candidate, tel un disque rayé, n’a eu de cesse de rabâcher qu’il n’y avait aucune différence entre elle et le président Biden. À la question de savoir si justement elle comptait agir différemment de son prédécesseur concernant l’Ukraine, elle a répondu que rien ne lui venait à l’esprit. Grosso modo, on prend les mêmes et on recommence. Cette dernière peut de ce fait se contenter de siroter une bière avec le journaliste qui l’interroge, le houblon ayant au moins ce mérite de l’empêcher de s’esclaffer pour un rien quand elle ne sait pas quoi répondre.
Il est toujours bon de rappeler que Kamala Harris peut se gargariser d’un bilan international de premier choix comptant notamment l’humiliante débâcle en Afghanistan.


La guerre de la Russie contre l’Ukraine commence en février 2022. En avril 2022, le président Biden bloque les plans de la Pologne visant à fournir à l’Ukraine des chasseurs-bombardiers MiG-29, très utilisés par l’armée ukrainienne. Les ukrainiens devront attendre trois mois pour recevoir les premiers F-16 de fabrication américaine.
Ces MiG auraient-ils pu faire une différence dans les premiers mois du conflit ? Nous ne le saurons jamais. Finalement, Biden fera une réponse de Normand, en précisant que, « chaque mesure que nous et les pays de l’OTAN prenons ne doit pas apparaître comme une « escalade » aux yeux de la Russie. »


Une non-intervention, prudente, sans doute, mais induisant une graduelle surinfection de la plaie, dont les candidats à la présidence, en particulier la démocrate, ne peut désormais plus se dépatouiller.

Trump : des promesses mais pas de plan ?

Dans le camp républicain, Donald Trump promet de mettre fin à la guerre entre le moment où il sera à nouveau élu et le jour de son investiture en 2025. Sans préciser comment il compte y parvenir. Son colistier, le sénateur de l’Ohio, J.D. Vance, représentant de l’aile isolationniste du parti de l’éléphant, exerce une grosse pression sur Trump pour qu’il n’aide pas l’Ukraine ou qu’il ne pose pas de conditions strictes à cette aide.
Pour mettre fin au conflit, le président Biden à lui présenté un plan exigé par le Congrès. Plan « classé », de manière à ce qu’il ne puisse pas faire l’objet d’un débat public.

Lors de sa visite aux États-Unis le mois dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est venu quant à lui présenter au locataire du Bureau Ovale son propre « plan de victoire ». Plan de victoire communiqué également à Donald Trump ainsi qu’à plusieurs dirigeants européens.
Dans son approche maximaliste, d’aucun dirait fantasque, impliquant de faire disparaître toute présence russe de l’Ukraine et de la péninsule de Crimée, Zelensky fait fi de la réalité. L’Ukraine, ne disposant pas suffisamment de troupes, ne pourra en effet, jamais chasser les Russes d’une Crimée officiellement annexée il y a dix ans.
Selon un rapport du Wall Street Journal – s’appuyant sur des fuites provenant de l’administration Biden et de fonctionnaires européens – le plan de Volodymyr Zelenskyy n’a rien de nouveau. Il appelle à une augmentation de l’aide américaine et manque de stratégie pour atteindre son objectif. Grosso modo, plus de pognon pour toujours plus de morts, ne solutionnant absolument rien.

Une partie du plan du président ukrainien repose notamment sur l’hypothétique obtention de l’aval des États-Unis quant à l’utilisation des missiles américains à longue portée pour atteindre la Russie sur ses terres. Décision impliquant une escalade évidente entre la Russie et les États-Unis. Pas besoin de lire le marc de café pour comprendre que cette autorisation ne viendra jamais. En tout cas pas avant les résultats des présidentielles américaines.

Comme l’a rapporté il y a quelques temps le Washington Times, la Corée du Nord envisage de fournir des troupes pour aider Poutine à conquérir l’Ukraine. Depuis lors, le président ukrainien a déclaré que des troupes nord-coréennes combattaient déjà en Ukraine aux côtés des troupes russes.
La Corée du Nord dispose d’une armée d’environ un million d’hommes. Il suffirait donc de  deux ou trois divisions de troupes nord-coréennes pour entraîner une bascule certaine. Une autre escalade posant un ultimatum à l’OTAN :  envoyer de troupes sur le terrain, ou regarder l’Ukraine tomber devant les russes.
Pour l’instant, ni l’administration Biden-Harris ni Donald Trump n’ont réagi à l’éventualité d’un renforcement de la guerre en Ukraine par la Corée du Nord.
Poutine, quant à lui, se contente de la poursuivre, quelles que soient les pertes subies par ses forces. Pertes établies selon le New York Times à 115 000 morts, pour 500 000 blessés, même si le macabre bilan comptable est toujours sujet à caution. Tandis que, selon Zelensky, l’armée ukrainienne « tient bon » dans la région russe de Koursk, récemment prise par les forces ukrainiennes.

Même si M. Biden autorisait l’utilisation d’armes américaines pour attaquer la Russie en profondeur, cela ne changerait pas la donne sur le plan stratégique. Les lignes d’approvisionnement russes peuvent sembler vulnérables, mais il s’agirait d’augmenter significativement les livraisons de missiles de la part des États-Unis à l’Ukraine pour les endommager de manière significative. Et pour l’heure, ce n’est pas le chemin le plus électoralement payant.
Reprenant la ritournelle de la Maison-Blanche, Kamala Harris préconise une aide militaire et financière accrue à l’Ukraine, mais n’a pas proposé de nouvelles idées pour mettre fin à la guerre. Comme de juste, elle s’est contentée d’attaquer les projets de Donald Trump, en affirmant que tout pourparler de paix était exclu.
Après plus de deux ans de conflit, force est de constater que la Russie n’a pas souffert des sanctions imposées par les États-Unis et les pays de l’OTAN. Le ou la futur présidente américaine se devra donc de trancher un nœud gordien devenu plus gros qu’un cadavre sur une table à manger en plein dîner plénipotentiaire. Quoi qu’il arrive, la sauce aura un goût amer pour les européens.

© Photo : Kamala Harris. Lev Radin / shutterstock

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