Le Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler (1880-1936) est de ces livres qu’on connaît tous, même si on ne les a pas lus. Il est vrai que les deux tomes qui le composent dans l’édition française ont de quoi impressionner, quel que soit leur format. Il est vrai aussi que Spengler traîne derrière lui une aura sulfureuse, laquelle tient davantage à son prussianisme affiché et à ses prétendues accointances avec le régime nazi (un comble, quand on sait que son œuvre fut prohibée sur ordre de Goebbels) qu’au contenu de ses écrits. Raison pour laquelle il se fait plus rare en bouquinerie que L’Histoire d’Arnold Toynbee, son pendant anglo-saxon, autre somme à vocation universelle, qui lui doit d’ailleurs beaucoup ?
Héritier critique de Spengler – l’adjectif a son importance –, David Engels était l’homme idoine pour introduire le lecteur à ce monument de la pensée du XXe siècle ; la « collection rouge » de l’Institut Iliade, l’écrin tout indiqué.
Qui dit déclin, dit naissance, croissance, puis, au terme du déclin en question, mort. Ce cycle immuable, commun à tous les êtres vivants, Spengler l’applique à l’histoire des civilisations, qu’il considère comme autant d’organismes collectifs. À l’origine de chaque civilisation, il y a une culture (Spengler en dénombre neuf) qui s’est développée plus ou moins à l’écart des autres, mais toujours selon un schéma analogue. Cette « morphologie culturelle » vaut pour tous les continents, à toutes les époques. Pas plus qu’il n’accorde de crédit au « sens de l’histoire », Spengler ne hiérarchise les cultures entre elles. La nôtre, qu’il qualifie tantôt de « culture occidentale européo-américaine », tantôt de culture « faustienne » (par son refus d’accepter les limites que la nature lui impose, par son besoin de découvrir ce qui se cache au-delà de l’horizon), touche à sa fin. D’où le titre du livre.
Si les civilisations peuvent coexister et échanger entre elles, les cultures qui leur ont donné vie ne sauraient fusionner, ni même s’enrichir mutuellement, sauf à renier le rapport spécifique à la spiritualité qui les fonde. Le dialogue interculturel est au mieux une illusion, au pire un leurre. Une culture qui subit une influence extérieure est déjà une culture sur le déclin.
David Engels, Oswald Spengler, Introduction au Déclin de l’Occident, La Nouvelle Librairie éditions/Institut Iliade, 74 p., 9 €.