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Le front républicain ou la dépossession décomplexée

Le front républicain ou la dépossession décomplexée

Le front républicain ce sont des possédés – au sens de Dostoïevski – qui se liguent avec des possédants – au sens de Marx – pour faire barrage aux dépossédés – au sens de Guilluy et Camus. L’analyse décapante de Jean Montalte.

L’épiphanie s’est produite ainsi : je voguais sur les réseaux sociaux. M’apparut alors, au hasard des algorithmes, qui font si bien les choses, une intervention du sociologue bourdieusien Geoffroy de Lagasnerie, nous livrant une de ces analyses dont je raffole comme d’un plaisir coupable. Je mets ce plaisir au même rang qu’une visite chez un cousin éloigné abonné à Mediapart, auquel je rappelle, en toute innocence, que la chanson No pasarán commence par un appel à la lutte contre les maures importés par Franco, qui vaudrait à son parolier de passer devant la 17e chambre correctionnelle pour incitation à la haine raciale, sur le signalement d’un antifasciste professionnel, de nos jours.

Bref, Geoffroy Lagaminerie, Lagaçant, Lagasnerie, en bon généalogiste des idées, décèle l’origine du fascisme dans la structure familiale – patriarcale, école de Francfort oblige – et dans la propriété privée. Étant antifasciste jusqu’à l’agonie, persuadé que cette menace pèse sur la République plurielle menacée, je me mis en quête d’une solution. Soudain, Eurêka, je m’exclame : « Pour lutter contre le fascisme, il ne faut pas avoir de chambre à soi, il faut collectivement dormir avec ses parents et avec la psychanalyste lacanienne spé-déconstruction qui prend tout ce petit monde à sa charge (mentale) ; charge mentale très lourde à cause du phallus-traversin. Le psychanalyste, ivre des détentes pulsionnelles, des affects désencombrés, pour ne pas sombrer, sera assisté par un sociologue bourdieusien qui examine si les luttes pour la domination se perpétuent dans la bataille des ronflements nocturnes, tout en dressant des statistiques sur la stabilité du nombre d’immigrés depuis Louis VI le Gros jusqu’à nos jours. Un seul souci, le lacanien devra désavouer son logocentrisme coupable. Lacan disait que nous étions des “Parle-Être”, ce qui reconduit les inégalités avec les déclamateurs intrépides de borborygmes, wesh, gros, etc… Lévi-Strauss, la pensée sauvage… Tout converge ! »

Des démons de petite envergure

Des gens inquiets – c’est incompréhensible et suspect – se disent que ces sociologues et autres déconstructeurs schizo-analystes sont plus féroces et dangereux que leur physionomie de gringalet le laisse présager. Sous leurs airs d’animateurs scolaires affables, gentiment immatures, ils dissimuleraient une psychopathie terrifiante, une perversion sans limites. Ils seraient prêts à nous envoyer au goulag ! Je dis que tout cela, c’est du chantage. Que le goulag sera bien anodin puisqu’on y jouira d’un régime sans gluten, qu’on s’y distraira sainement avec des joueurs de Magic bénévoles. L’extorsion de la plus-value n’aura plus cours puisqu’il n’y aura plus de plus-value. Vous serez pacifié et l’homme générique, en symbiose avec l’être, verra le dépérissement de l’État entériner la fin de l’Histoire.

Je n’étais pas au bout de mes surprises. J’appris d’un expert, d’un spécialiste en estrèmedroate, que la fachosphère était composée essentiellement de robots, d’intelligences artificielles, qui font proliférer les statistiques du trafic Internet de manière frauduleuse, pour faire gonfler la baudruche Bardella. Guillaume Faye l’a rêvé, la fachosphère l’a fait. L’archéofuturisme est enfin une réalité, nous avons fusionné avec les robots ! Ego cogibot ergo sum, aurait dit Descartes, précurseur de l’homme-machine avec sa théorie des animaux-machines. Nous vivons une période fascinante…

Parmi toutes ces bizarreries réjouissantes dont abonde notre temps, le « front républicain » tient la place la plus éminente. J’ai même aperçu un youtubeur marxiste bien connu appeler à voter pour un candidat de la macronie pour faire barrage au premier parti de France que les électeurs ont placé en tête par un processus démocratique un peu baroque : le vote. Nous bassiner avec les accointances du fascisme éternel et du grand capital, à longueur de temps, pour finalement faire cause commune avec le « mozart de la finance », ça ne manque pas de sel. Quelle flûte enchantée les berce ? Pour résumer : le front républicain ce sont des possédés – au sens de Dostoïevski – qui se liguent avec des possédants – au sens de Marx – pour faire barrage aux dépossédés – au sens de Guilluy et Camus, c’est-à-dire sur le double versant économique et identitaire. Dans son roman Les Démons, aussi traduit Les Possédés, Dostoïevski a montré cette filiation contre-nature entre libéraux et nihilistes, ennemis du peuple russe chrétien orthodoxe. Ce sont toujours les mêmes alliances qui se nouent. Nous nous souviendrons avec amusement de la théorie du bloc bourgeois de François Bégaudeau qui va de Macron à l’extrême droite, alors que l’extrême gauche dans sa quasi-intégralité – exception faite de Nathalie Arthaud – appelle à faire front avec les exploiteurs, les capitalistes, contre l’hydre fasciste, c’est-à-dire 33,15 % des électeurs à qui on extorque le résultat de leur vote. Mais ce sont eux qui sauveront la démocratie…

Grand-Guignol

Les vaincus, les damnés de la terre n’intéresseront jamais la gauche, les « républicains » bon teint et autoproclamés, les gens bien comme il faut, s’ils ont le malheur d’être français ou européens de souche. La dépossession des autochtones, l’insécurité qu’ils subissent au quotidien sont des acquis sacrés de la République et des valeurs républicaines proclamées par ces guignols. Les gauchistes préfèrent les capitalistes à la régulation de l’immigration et à la lutte contre l’insécurité. Les macronistes préfèrent l’insurrection antiparlementaire, une imposition folle, la proximité avec des réseaux islamistes, au sursaut du peuple français. J’attends juste de voir la réaction de Bruno le Maire devant sa fiche d’impôts, le jour où il sera mis en tranche.

© Photo : Geoffroy de Lagasnerie

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