• Le tournant de l’aliénation actuelle, c’est la fraction croissante de la population qui a accepté et intériorisé sa condamnation au néant. Par cette faillite de la conscience, le peuple admet n’être qu’une masse dépossédée et que là réside sa normalité.
• Il existe des mécontents. Des individus qui s’éveillent en sursaut au milieu de la nuit libérale, ils clament les noms et les formules que leur inspirent de fugaces et poignantes réminiscences. Ils clament ce qui devrait être. Puis se rendorment une fois le spasme passé.
• Il en est d’autres dont nous sommes, gisant sur le grabat des mauvaises circonstances. Et notre conscience nous torture de ne pas en dire plus, de ne pas pouvoir mieux, de ramasser toute l’intensité de notre vie, héritée de si loin, pour un usage si dérisoire, pour une œuvre de chimères et de vœux pieux entre nos lèvres tremblantes.
• La conscience de la force de la main, voilà la seule qu’il faille retrouver, restaurer, établir dans son plein droit créateur et bâtisseur. Être le moyen de notre révolution plutôt qu’en formuler le but – un but d’autant plus sublime et aliénant qu’on ne sait par où l’attraper. Que notre ambition soit un jour au lieu d’un songe.
• Sentir la main de nos amis, l’accolade des camarades. Travailler la terre dont on se réclame, perpétuer le sang dont on se réclame, habiter les sanctuaires dont on se réclame. Travailler nos prés et nos champs, en parcourir les chemins. Habiter le monde en poète, mais habiter d’abord. Et être le poète de ce que l’on habite.
• Que tout se tienne, à commencer par nous-mêmes. Que rien ne soit vain, silencieux, arbitraire ; que tout soit sensé, chanté, légitimé par une appartenance et une hiérarchie.