Le qualificatif « d’extrême-droite » prête à sourire, vieille antienne usée visant à perpétuellement déligitimer des adversaires pourtant de plus en plus légitimés, et même en masse à l’échelle européenne, par les peuples et l’électorat. Employé ainsi, le terme ne signifie rien de plus que sa volonté d’effrayer les âmes sensibles. En sciences politiques, les choses sont plus claires : il n’existe pas une extrême-droite mais des extrêmes-droites et les frontières se tracent souvent entre la participation ou non aux élections, au système de la démocratie libérale. Ainsi, l’amalgame courant visant les partis politiques de droite radicale, terme préféré par les anglo-saxons, avec des mouvances extérieures au système de la démocratie libérale, qu’elles fussent mouvances anciennes ou actuelles n’a pas de sens pour évoquer un parti comme le FPÖ en Autriche, ou des partis comme le RN, Reconquête, le courant de Marion Maréchal, Debout La France, Les Patriotes en France. Tout parti politique qui s’inscrit dans l’arc électoral du système de la démocratie libérale est démocratiquement légitime et ne cadre pas avec la définition de l’extrême-droite comme « menace par essence pour la démocratie », définition qui réfère automatiquement aux totalitarismes nazis et fascistes du siècle dernier. La précision est d’importance puisque le mantra qui fait peur revient en permanence. Il était bien évidemment au cœur de la campagne électorale autrichienne. Il a tout aussi évidemment été employé au sujet du FPÖ et ne l’a pas empêché d’arriver en tête. Outre la victoire de ce parti, c’est la seconde bonne nouvelle : l’efficacité du mantra tend à sérieusement faiblir partout.
Plus qu’une victoire, une gifle
En ce lundi 30 septembre 2024, les joues des membres du gouvernement écolo-conservateur autrichien sont rougies par la gifle électorale reçue la veille. Le parti de la Liberté (FPÖ) a donc obtenu près de 30 % des suffrages, soit 13 points de plus par rapport au scrutin de 2019. Lors de son intervention, en fin de soirée, Herbert Kickl déclarait : « Savourez ce résultat. C’est un morceau d’histoire que nous avons écrit ensemble aujourd’hui. Ce que nous avons accompli dépasse mes rêves les plus fous », insistant au sujet de « l’ouverture d’une porte sur une nouvelle ère ».
La victoire du FPÖ inquiète d’autant plus mondialistes et européistes fanatiques, persuadés que rien en dehors de leur vision du monde n’est possible, que cette formation politique est réputée avoir été en partie fondée par d’anciens nazis. Dans la grande peur des bien pensants, le temps qui passe et les évolutions n’ont pas d’importance. Reste que ce passé maintient – comme en en France d’ailleurs vis à vis du Rassemblement national – toujours un « cordon sanitaire » (expression très douteuse) : dans une Autriche fonctionnant par coalition, le FPÖ est rejeté dans toutes les hypothèses. Personne ne veut gouverner en sa compagnie, autrement dit personne ne veut gouverner en respect du vote d’un tiers des électeurs. Herbert Kickl l’a répété dimanche soir : les dirigeants des autres partis, peut-être inspirés par le comportement de la présidence française et de sa minorité, « font comme si les élections n’avaient pas eu lieu ».
Un séisme politique aux causes très concrètes
Le succès électoral du FPÖ ne provient pas seulement de ses propres propositions. Il trouve aussi son origine dans la faillite du système et de l’idéologie mondialiste au pouvoir en Europe depuis 50 ans, et dans cette incongruité politico-économique qui a nom Union Européenne, une « union » qui ignore les peuples européens au profit d’une espèce de volonté de métissage généralisé privilégiant les « nowhere ». La victoire du FPÖ naît ainsi avant tout des échecs majeurs de l’UE et des pays qui en suivent les directives comme des toutous : l’inflation record, la chute du pouvoir d’achat, l’immigration de plus en plus élevée et la montée de l’insécurité qui l’accompagne, ainsi que le scepticisme grandissant d’une partie de la population quant à la guerre en Ukraine. À cela s’ajoutent des particularités fortes en Autriche : la place des conceptions « antivax » et « climatosceptiques » dans le débat public. De même, les Autrichiens ont retrouvé un fort sentiment identitaire, auquel répond Monsieur Kickl en assurant vouloir « stopper toutes les demandes d’asile ».
En France, Marine Le Pen s’est rapidement exprimée : « Nous nous réjouissons de la victoire aux élections autrichiennes du FPÖ, notre allié au Parlement européen. Après les scrutins italiens, néerlandais et français, cette lame de fond qui porte la défense des intérêts nationaux, la sauvegarde des identités et la résurrection des souverainetés, confirme partout le triomphe des peuples ».
En toute logique démocratique, le président écologique de l’Autriche, Monsieur Alexandre Van der Bellen (écologique) devrait nommer Monsieur Kickl comme chef du gouvernement. Mais la France est bien placée pour savoir ce qu’il en est de la logique démocratique en république libérale.
© Photo : Herbert Kickl autour de ses partisans. Filip Singer / Shutterstock